Nouveau roman : "Elles : le chemin des révélations" à découvrir, ici !

mercredi 30 octobre 2013

Mr Vertigo

Mr Vertigo de Paul AUSTER, Editions Livre de poche

"Chaque épreuve me paraissait plus terrible que la précédente, et si je réussis à ne reculer, ce ne fut que par pure obstination reptilienne, une passivité végétative tapie quelque part au plus profond de mon âme. Cela n'avait rien à voir avec la volonté, la détermination ou le courage. Je ne possédais aucune de ces qualités et plus loin je me laissais pousser, moins je ressentais de fierté devant ce que j'accomplissais." Extrait du livre 

Leffet AUSTER 

Pour qui ne le connaîtrait pas Paul Auster est à découvrir. À travers ce roman mêlant réalité et improbabilité, il parvient à nous étourdir. Les vessies ne sont pas des lanternes, nous le savons et pourtant... 
 
Une fois encore, il démontre par cette plume bien calée qu'il a l'art et la manière d'emporter qui il veut au fil des lignes et nous, lecteurs, nous nous laissons prendre à ce "jeu" en toute conscience.  

Dans ce roman, Walt, jeune orphelin de neuf ans vit avec son oncle Slim et sa tante. Des gens sans aucune attention pour lui, pour lesquels il fait plus l'effet d'un boulet trop lourd. L'un est un petit voyou de bas étages, tandis que l'autre, la tante, soigne son mal de vivre dans l'alcool.  
 
Walt est sur les traces de son oncle, vivant de manière peu recommandable, un "scatman miniature à la langue bien pendue". Et effectivement, les dialogues sont riches de ce côté-là. Jusqu'au jour où le gamin va croiser le chemin de Maître Yehudi qui lui fait une promesse bien étrange à laquelle le gamin aura bien du mal à croire, mais à laquelle il ne résistera pas. Ce pari va les lier, car Walt, tenace n'a pas froid aux yeux, ne demandant qu'à voir : "Dans deux ans, tu voleras dans les airs où tu me coupes la tête". Il n'en faut pas plus à Walt pour suivre celui qui deviendra le "Maître" et auquel son destin sera scellé.  
 
L'histoire se déroule au début du siècle dernier au cœur d'une Amérique bousculée, éraflée de grands bleus tels que le racisme, l'esclavage des noirs et des indiens, le Ku Klux Klan, la crise de 1929, l'effondrement de la bourse de New York, le commerce d'alcool, les jeux ou encore la prostitution régentée par la mafia, etc. 
 
Walt se retrouve donc loin de sa ville de Saint Louis dans une campagne perdue qu'il nomme "Ploucville", dans la demeure du Maître Yehudi avec pour compagnon, Esope, un jeune noir abîmé, mais à l'intelligence incontestable qui parviendra à se faire aimer de ce gamin effronté et raciste, et maman Sioux, petite fille de Sitting Bull. Sans oublier Mrs Witherspoon, amante du Maître et dont la présence a toute son importance au cours du roman, même si on ne la retrouve que par épisodes.  
 
Walt côtoiera la gloire et la lumière, la joie et la peine ainsi que la déchéance : "C'est comme ça, quand on est dans le besoin. Tant qu'une chose manque, on ne cesse de la désirer [...] Un vieil adage affirme qu'on n'apprécie pas ce qu'on a tant qu'on ne l'a pas perdu". Il apprendra la souffrance aussi.  Les épreuves n'exemptent pas la tendresse, la misère n'empêche pas le cœur de s'exprimer dans le silence parfois absolu, mais tout a une raison d'être et "si on ne voit pas de raison de continuer à vivre, on n'a guère à se soucier de ce qui risque d'arriver". 
 
Un ouvrage entre roman et improbabilité, tel que je le précisais précédemment, mais irréalité et vérité également qui ne manque pas de tenir le lecteur en haleine. Un style qu'on ne manquera pas d'apprécier une fois encore pour cet auteur égal à lui-même !
 

Quelques phrases relevées au cours de ma lecture :

"Sa langue était l'une des plus formidables machines à embobiner de tous les temps, et une fois qu'il était lancé, les rêves jaillissaient de lui comme la fumée d'une cheminée."
"Vivre, c'est souffrir, de toute façon."
"La mort n'est pas si terrible [...] Quand on arrive à bout de course, c'est la seule chose qu'on souhaite vraiment."
"J'ai lu des livres et j'ai réorganisé ma boîte à mots."
Dès que le cul prend les commandes, on perd la capacité de raisonner."
"Plus ce qu'on désire est grand, plus il faut payer pour l'avoir."
"Il n'existe rien de comparable à la douceur de retrouver ce dont on a été dépouillé."

 
Informations sur le livre : 

Titre : Mr Vertigo
Auteur : Paul AUSTER
Éditions : Livre de poche
ISBN : 9782253140757
Prix : 6,10€

Mr Vertigo

mardi 15 octobre 2013

Trésor de guerre

Trésor de guerre de Virginie JOUANY, Editions Les Papillons de Charcot

A lire avec le cœur...

Suite à une terrible mésaventure, le personnage principal décide de s'exiler ailleurs avec son mari, direction la campagne : "A la campagne, la vie est à dimension humaine."
Ils ont décidé de reprendre un commerce de proximité, ce qui manque cruellement dans nos petites campagnes, nos villages : "Pour être au plus près des gens. [...] Nous voulions lutter contre la misère sociale et accéder à une connaissance de l'être humain dans toute sa profondeur."
Se reconstruire ailleurs comme une nouvelle naissance pour tenter de faire un pied de nez au passé. Et comme bien souvent, un "mais" s'incruste pour déstabiliser ce que l'on a tant de mal à redresser.
Vient alors la naissance de l'enfant tant attendu après un parcours long et difficile. Bien que "cette excursion dans le trou-du-cul du monde allait bouleverser..." leurs vies, cette naissance allait les perturber plus encore.
"Avec lui en chair et en os, je mettais entre parenthèses la jeune fille que j'étais", parce que certaines situations obligent l'être humain à changer sans même qu'il s'en rende compte parfois, et sans son consentement non plus.
La petite... s'avère différente. Quelque chose perturbe son évolution. L'angoisse prend de l'ampleur dans le cœur des parents. Les médecins ne trouvent pas ce qui pose problème. Les jours passent dans l'incompréhension, mais pour les parents : "Le temps s'était arrêté.  Trop lourd à porter", jusqu'à la rencontre du médecin qui décèlera l'anomalie. Il est vrai que certains médecins (pas tous heureusement) sont laxistes et n'écoutent pas vraiment leurs patients.
Tant de temps passé et perdu avant de rencontrer celui qui donnera les réponses aux parents désarmés : "C'était si bon de parler à un médecin compétant et qui daignait répondre à nos questions ! C'était jouissif. "
Savoir enfin ! Savoir pour mieux appréhender les jours à venir.  Savoir pour enfin s'armer face aux difficultés.  Savoir pour tout simplement comprendre : "Personne n'est responsable de l'AVC à l'origine du handicap de ma fille.  C'est la faute à pas de chance.  Inutile de chercher un coupable", parce que nous n'en trouverions pas.
Trésor de guerre est un ouvrage à lire avec le cœur.  Un témoignage poignant pour peut-être... comprendre !

Quelques phrases relevées au gré de ma lecture :
- "À la campagne, la vie est à dimension humaine."
- "Tout paraissait évident : nous allions nous enraciner ici. Puis y laisser tomber nos feuilles pour nous renouveler."
- "Je vacillais, la vue brouillée par mes battements de cœur."
- "Mon bébé et moi faisions voile de concert. Mon souffle nous portait vers la terre ferme de notre amour."
- "Avec lui en chair et en os, je mettais entre parenthèses la jeune fille que j'était."
- "L'hôpital était aussi vaste que mes facultés étaient amoindries par le chagrin."
- "Au regard de l'histoire, nous savions que sans une profonde humanité, les prouesses technologiques peuvent parfois mener au drame."
- "Pour nous le temps s'était arrêté. Trop lourd à porter."
- "En vivant à la campagne, j'avais découvert la grandeur d'âme des petites gens, et le courage des paysans. Ces gens qui n'ont pas la langue de bois, mais qui parlent avec leurs tripes."
- "Dans l'urgence, chaque seconde est importante."

Informations sur le livre :
Titre : Trésors de guerre
Auteur : Virginie JOUANY
Édition : Les Papillons de Charcot
ISBN : 9782953689044
Prix : 15 €