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vendredi 9 octobre 2009

La rupture avec l'anévrisme

« Alors là, c’est la douche froide, une pression très violente qui s’abat sur nous. Sidérés par cette soudaine précipitation, nous ne savons pas quoi dire. Nous sommes mouillés jusqu’au cou. Son bulletin d’alerte nous a mis en vigilance orange. Nous passons d’un temps calme en « un temps péri ». Les intempéries agitent nos nerfs. Combien de temps l’eau va-t-elle couler encore chez les grands pontes. » Extrait du livre

LA FIN DES VACANCES…


Voilà un retour de vacances d’été qui aurait du se dérouler en douceur pour cette famille presque comme les autres. Presque ! Ce retour qui aurait du être celui d’un retour quotidien tranquille ne l’est pas. Loin de là !

Nicolas a neuf ans, il tombe malade sans sommation, une angine mais... Un ganglion imposteur fait son apparition et vient se nicher dans son cou. Comme toute mère aimante, Nathalie s’inquiète plus que nécessaire. Quoique ! S’inquiète-t-on vraiment plus que nécessaire lorsqu’il s’agit de la santé de nos propres enfants ? Non, je ne le crois pas. Dans mon constat quotidien, je remarque, sans en faire un reproche, que les hommes temporisent souvent plus vaillamment que les femmes.

Victor et Nathalie déposent les enfants, Nicolas et Victoria, chez leurs grands-parents paternels. Pour ces derniers, les vacances continuent tandis que leurs parents retournent à la vie de tous les jours. Mamie promet d’emmener Nicolas chez son médecin traitant si son état ne s’améliore pas. Ce qu’elle fait deux jours plus tard. Un ganglion mal placé et suspect, une analyse de sang et des résultats qui ne sont pas inquiétant rassurent Nathalie.

Mais, nous ne sommes jamais complètement rassurés, nous les mamans poules, hyper protectrices, à l’affût du moindre fait suspect concernant nos petits loups. Le bien-être de nos chères petites têtes d’amour est notre souci majeur et leur bonheur notre élément indispensable, plus que ne l’est n’importe quel autre sujet du quotidien. Notre énergie vient des pulsations de leur cœur. Ils sont nos moteurs de vie, notre carburant, notre oxygène, notre source vitale.

RIEN DE GRAVE ?


La rentrée s’impose comme après chaque fin de vacances. Rentrée des classes. Retours aux courses quotidiennes. Roule, roule ma poule, dirait bien l’auteur. Le ganglion de Nicolas est toujours là, et s’impose lui aussi dans cette rentrée. Il semble avoir élu domicile dans son cou comme si cet espace lui appartenait. Il prend racine et ne paraît pas décidé à s’expatrier ailleurs.

En vue des inscriptions pour les activités sportives chacun a droit à sa visite médicale afin d’obtenir des certificats à jour. Nathalie en profite pour évoquer l’angine de Nicolas à leur retour de vacances puis le ganglion malfaisant. Docteur « Joyeux », comme le nomme la narratrice, réfute l’idée d’un simple ganglion, « ce n’est pas un ganglion […] Il faut passer une échographie d’urgence. »  L’angoisse de Nathalie, qui s’était endormie au fond du ventre, refait surface dans un bond fulgurant.

D’examen en examen, d’un grand professeur à un autre, la sentence tombe sous le nom d’anévrisme. Rien que le mot réveille des frayeurs profondes et fait couler les perles de sueur dans le dos, une à une comme le goutte à goutte d’un robinet endommagé. Nathalie reçoit cette annonce comme un coup d’épée en plein ventre qui vient lui déchirer les entrailles. Elle perd pied, se bat et souffre de tout son être car sa chair est atteinte : « J’ai trop mal. J’ai le cœur qui s’emballe. Je frise l’arrêt cardiaque. » Dans cet état, on le serait à moins lorsque la chair de notre chair se trouve en perdition.

LE CHOC !


L’anévrisme est une dilatation localisée de la paroi d’une artère aboutissant à la formation d’une poche de taille variable, son diamètre pouvant atteindre plusieurs centimètres. La rupture d’anévrisme représente environ 10% des accidents vasculaires cérébraux (AVC). (source Wikipédia)

La famille se met à vivre au rythme de la souffrance intérieure à laquelle elle est confrontée en tentant d’épargner tant bien que mal et autant que possible les enfants. Après maints examens encore et toujours, maintes visites médicales qui s’accumulent avec différents professeurs, ils finissent par connaître l’hôpital Necker par cœur : « Depuis un certain temps, j’ai l’impression que nous avons pris un abonnement à Necker », mais au fil des pages, on s’aperçoit qu’il en va de même de celui de La Pitié Salpetrière, puis du Kremlin Bicêtre.

Après une énième IRM, Nicolas annonce lui-même, à sa maman avec en prime le sourire aux lèvres, qu’il a un deuxième anévrisme. L’annonce est doublement violente pour Nathalie qui voit son monde s’ébranler un peu plus : « Nicolas ne se rend pas compte de la gravité de ce qui lui arrive. Il rajoute cet anévrisme à son palmarès comme s’il rajoutait une pièce dans sa tirelire. Voici la preuve que les enfants ne vivent pas les épreuves de la même manière que les adultes. » L’enfance, c’est bien connu, c’est l’innocence. Les enfants n’ont pas forcément conscience des dangers alors comment pourraient-ils imaginer qu’ils en sont si proches ou pire encore, victimes. Nicolas n’est pas différent, bercé dans cette innocence, il ne se rend pas compte du drame qui se joue en lui. Je dirais presque heureusement, ce qui lui évite en plus d’être victime de s’effondrer.

LUTTER OU SOMBRER ? CHOISIR LE COMBAT COMME UNE EVIDENCE...


Nathalie lutte, lutte autant qu’elle le peut, les ressources maternelles sont infinies : « J’essaie juste de lutter pour sauver mon petit doté de deux pétards dans le ciboulot prêts à lui faire disjoncter la cervelle à tout instant, à tout jamais ! »

D’examens en IRM encore, d’opérations programmées puis annulées car « le deuxième anévrisme, l’intracrânien, est très préoccupant. Installé lui aussi sur une artère principale fragilisée. » C’est la douche écossaise à tout va. Les parents dans de telles situations se morfondent en désespérances. Nathalie et Victor tiennent chacun un bout de la vie de leur fils. Seul Nicolas paraît à mille lieux de ce fil tendu à l’extrême sur lequel il est pourtant suspendu, accroché à sa Game Boy, « de bonne qualité, Nicolas rebondit sans cesse. » 

Les médecins se rendent-ils compte de la terreur, de la douleur qu’endurent les parents pour jouer au yo-yo à ce point avec eux. Tels des tambourins, ils sont secoués dans tous les sens alors qu’ils tentent tant bien que mal de maintenir la barre. Sans parler du charabia que ces grands professeurs imposent comme le dit si clairement Nathalie : « Qu’est-ce qu’on peut se prendre dans la tronche avec les scientifiques ! Pour lui, c’est peut-être logique, fluide et cohérent, mais pour nous c’est du chinois. » 

Mais, il est vrai qu’on ne peut pas leur jeter la pierre non plus. Mettons-nous à leur place, eux qui en voient des vertes et des pas mûres, des nuits noires et des heures sombres. Sont-ils vraiment si détachés ou feignent-ils de l’être. Ces médecins sont là pour sauver leurs patients, c’est leur but et il faut bien avouer aussi que s’ils laissaient leurs sentiments les envahir ce ne serait pas une bonne chose. Ils se doivent d’avoir les idées claires. Même s’ils paraissent insensibles, ils ne le sont probablement pas.

Mais tentent-ils de leur côté de se mettre à la place des parents torturés, ces médecins qui essaient de sauver des vies certes, et de faire perdurer nos heures dans ce monde, qu’ils tentent donc, de réaliser à quel point, nous, parents, nous avons besoin de réconfort, de paroles positives et surtout compréhensibles. Qu’ils réalisent la longueur de nos nuits désertées par le sommeil mais envahies par nos angoisses. Que nos jours représentent un tel chaos auquel nous devons faire face en la gardant justement, la face, devant nos bambins si chers à notre cœur.

Pour cette maman au seuil de chaque jour sombre, la seule chose de fluide c’est la souffrance qui s’écoule dans tout le corps. Aucune douleur au monde ne peut être plus importante que la notre. C’est comme une évidence lorsque nous somme cernés par la souffrance, seule celle-ci a de l’importance, les autres deviennent invisibles. Nathalie ne s’en cache pas : « Ma douleur est tellement forte que je me sens seule au monde avec cette souffrance. Je deviens jalouse du bonheur des autres, de leur bonne humeur et de leur insouciance. »

Ce livre est un témoignage fort où la sensibilité est à fleur de peau. Les yeux piquent, les larmes viennent les border, le cœur se serre à maintes reprises mais on sourit aussi face à la plume pleine d’humour et de jeux de mots.

Une belle présentation de l’ouvrage et une couverture sobre mais très belle, réalisée par Franceza Malcor.
Un témoignage fort qui mérite d’être lu et relu, connu et reconnu.
Une multitude de jeux de mots allègent le côté difficile de la situation.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Auteur : Nathalie Guillermin et Christophe Mangelle
Collectif d’auteurs indépendants
Editions : La Crevette
ISBN : 9781234567897
Format broché: 14,95 €

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