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samedi 23 janvier 2010

La patience de Mauricette

"Je ne sais pas pourquoi je suis ici de temps en temps. Je viens à cause du docteur Dufour dans son cabinet à Deûlémont. Il m’envoie quand je suis triste. Si je pleure sans éplucher des oignons, juste en m’apercevant dans la glace. Je le dis. Je ne répète pas. Et puis il sait que je note des choses dans mon journal. […] Je reste tranquille. Je ne fume pas. Je ne bois pas de bière. Je prends mes médicaments. Je réponds aux questions. Je suis juste à me méfier. Attendre que la boule revienne sans le vouloir remplir ma gorge. […] J’aurais voulu rester petite. Je suis restée petite dans ma tête. Mais ça se remplit quand même. "
Extrait du livre

"J’AI LA TETE REMPLIE DE TOUS LES MALHEURS…"

Dans ce joli roman nous allons à la rencontre de Mauricette : "Je m’appelle Mauricette Beaussart. Je suis née à Haverskerque. C’est ma biographie. Une maladie m’a attrapée. Maladie, levez-vous ! Levez-vous !" Elle se trouve à l’hôpital d’Armentières. Elle a soixante-quinze ans et sa santé mentale dérive. On tente de la soigner mais comme beaucoup d’autres personnes âgées elle se perd : "Je suis là. J’ai du courage pour attendre […] Toutes les choses à l’intérieur pour se renverser."

Comme beaucoup d’autres, à travers ces pages on va s’attacher à elle. Les mots la rendent belle, elle est fragile. On a très envie de la serrer dans nos bras pour l’envelopper de tendresse.
On découvre sa vie dès son enfance. La guerre qui la prive de son père prisonnier d’abord. Mais dont finalement, elle ne souffrira pas trop comme nous le dit l’auteur : "Paradoxalement, c’est pendant cette période noire de l’occupation, chez ses grands-parents maternels, que la fillette vécut les meilleures années de sa vie."

Dans cette lecture nous alternons entre l’auteur qui nous parle de Mauricette et les souvenirs qui émergent d’elle, parfois de manière bancale (les souvenirs).
Christophe Moreel est un ami proche de Mauricette. Il s’occupe un peu d’elle. Il l’a trouve un jour dans un état léthargique chez elle. Il était allé lui rendre visite comme souvent. Sans réponse à la porte et en possession des clés de la maison, il avait ouvert. Il l’avait trouvé ainsi "dans un état alarmant, prostrée dans son salon, regard éteint, bredouillant des mots incompréhensibles."
La visite du médecin avait rendu évidente l’hospitalisation de Mauricette à Armentières en section de psychiatrie générale.

Christophe retourne dans la maison de Mauricette. Il revoit les années passées en relisant "Les lettres de l’asile", opuscule qu’elle avait écrit quelques années auparavant, puis publié : "Christophe Moreel était à l’origine de cette publication."

Il tourne en rond dans la maison de son amie mais aussi dans ses souvenirs, à eux, à elle, dans les lignes qu’elle a écrites. Où est-elle ? il se remémore également le jour où il avait du emmener son amie à la clinique. Chaque étape le traverse. Et le cœur serré lorsqu’il a du repartir sans elle. Après tout ce temps, il est toujours aussi serré dans sa cage parfois si étroite.

"IL FAUT QUE J’AILLE AILLEURS…"

Mauricette semble s’être exilée dans son monde intérieur et ne paraît pas prête à s’en échapper : "Je garde les pieds et les yeux par terre à cause de la pointe qui pique mon cœur. Je suis obligée d’attendre dans le noir pour lever ma tête. Je m’en fiche de la réalité. Complètement. […] Je dois raccorder mes nerfs."

Mais, Mauricette a quitté la clinique. Où est-elle partie ? Pas chez elle car Christophe en a vérifié la possibilité. Il est le seul à être inquiet de cette disparition bien que ce ne soit pas la première fugue de son amie. Mais le médecin et la psychologue de la clinique, eux, n’émettent aucune inquiétude : "Le traitement n’était pas achevé, mais l’évolution était favorable et il avait envisagé d’autoriser prochainement les sorties non accompagnées. Le trouble dont la patiente souffrait depuis longtemps était en voie d’atténuation […] Le docteur pensait que la patiente donnerait très vite de ses nouvelles." Mais ce n’était pas le cas.

Nous découvrons de plus en plus d’évènements de la vie de Mauricette, jusqu’au plus tragique qui l’a entraînée dans toute première crises de "folie", de prostration, d’enfermement intérieur : "Ma santé est mentale et ma folie est humaine […] Je suis morte plusieurs fois mais pas définitivement". Elle ne se raconte pas ou presque, mais elle écrit beaucoup dans le cahier jaune et bleu qui lui a été donné par la psychologue. Elle n’y écrit rien de ses intentions, juste ses souvenirs en laissant de côté les plus douloureux : "J’ai vécu avec des intermittences. […] Je crois aller mieux mais j’ai des rechutes de noirceur".

Mauricette a quitté la clinique sans prévenir et sans permission, laissant son cahier sur son lit et toutes ses affaires dans l’armoire. Un geste volontaire ? Un oubli ? Juste une trace d’elle ? Allons savoir ! Christophe n’est pas "vraiment inquiet, plutôt intrigué." Où peut bien être son amie ?

L’ouvrage général est de belle qualité.
Une très belle histoire dans laquelle on ne peut s’empêcher de ressentir une grande tendresse pour Mauricette.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : La patience de Mauricette
Auteur : Lucien Suel
Editions : La table ronde
ISBN 13 : 9782710331452
Prix : 18,00 euros



2 commentaires:

  1. Chère Marie Barrillon. J'ai enfin mis à jour le lien vers votre article. J'en profite pour vous remercier une fois encore. Bien à vous. LS
    http://luciensuel.blogspot.fr/2009/07/blog-post.html

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    1. Bonjour Mr Suel,

      Merci pour votre passage ainsi que pour votre message.
      J'avais adoré "La patience de Mauricette", j'en garde encore des souvenirs dans ma mémoire et le conseil chaque fois autour de moi.

      A bientôt

      Marie BARRILLON

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