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samedi 27 février 2010

Et dans mes veines coulait le sang de mon père

"Il se permit encore une immersion dans l’univers qu’il avait si longtemps fui et, comme son père le lui avait prophétisé, qui le rattrapait impitoyablement aujourd’hui avec la mort de son chien. Juste un clébard et toute sa vie qui basculait dans un puits dont il ne soupçonnait même pas le fond. C’était pire que les cauchemars qui hantaient ses nuits d’alcoolique, c’était pire que de voir les siens, proches, voisins, famille et même amis de picole s’éloigner de lui à cause de l’alcool. C’était autre chose. Il ne pouvait qu’en craindre les conséquences. Mais sa vie désormais était suspendue à ce numéro de téléphone. Il n’avait jamais oublié ce nom."
Extrait du livre

A L’APPEL D’UN VERRE…

Pour certains, le bistrot est un lieu de perdition pour leur âme écorchée. Ces êtres à l’orée d’une vie déstabilisée se racontent leurs malheurs. Quelques verres pour formuler ce qui est ancré et difficile à extraire, quelques autres pour tenter d’oublier, puis quelques autres encore pour trouver la force de continuer à se raconter, à vivre et parfois même pour ne voir qui ils sont vraiment.
Mais tous ces verres les anéantissent un peu plus inévitablement.

A la croisée des vies qui parcourent ce livre, nous rencontrons un alcoolique, Gabriel, dont la femme est partie avec ses enfants et qu’il n’a plus le droit, ni la possibilité de revoir suite à un jugement du tribunal.

Cet homme perdu n’a plus que son chien dont il ne s’occupe même pas comme il faut et le zinc du comptoir d’un bistrot comme "ami" pour tenir dans la vie : "Mais tu sais, c’est pas parce que j’t’aime, mon gros, c’est que j’ai pu que toi et le bistrot au monde ! […] Ouais, j’ai le chien mais il va crever, mon chien, tu sais ! […] Alors, après, j’aurais vraiment plus que toi et le zinc ! C’est comme ça !"

Cet homme se perd dans cette sorte de résignation, sans plus d’horizon que le bistrot et l’alcool qui réchauffe son cœur meurtri et sa vie sans dessus-dessous. Comme si la vie n’était plus qu’une attente, une étape devenue trop longue. L’alcool pour oublier, mais l’oubli ne se fait pas. Sous l’emprise de l’alcool, les choses sont désormais plus légères pour Gabriel, comme s’il ne les voyait plus que de loin sans plus se sentir vraiment concerné.
L’égarement apaise parfois tout en rendant la réalité plus douce, en apparence.

ANTOINE ET SON HYPOCONDRIE…

Nous allons aussi à la rencontre d’Antoine. Lui, c’est un adepte de la salle de sport, et qui ne s’autorise rien. Surtout pas d’excès sinon tout bascule. Le moindre écart alimentaire et c’est la catastrophe : "Pas de sport et de la viande le soir, j’ai même pris un apéro l’autre jour chez Olivier et je me suis laissé aller sur les petits-fours. […] Faut pas que je craque, je le vois bien aujourd’hui, j’ai les mains crispées et une douleur au poignet."
Au moindre excès, toutes les douleurs apparaissent pour Antoine. Ses douleurs s’inscrivent dans son esprit.

Une journée sans entraînement est une autre catastrophe : "Ce matin, je me suis dit qu’il fallait vraiment que je reprenne l’entraînement, à la salle. Parce que depuis trois jours, je ne me sens pas à mon aise. J’ai des palpitations, des suées brutales…"

Et tout cela est sans compter sur l’hygiène "excessive" à laquelle il attache une immense importance sous peine de déceler immédiatement tout un tas de maladies possibles. On pourrait le croire atteint de troubles obsessionnels compulsifs à force de tout vérifier et re-vérifier comme si la première vérification avait pas eu lieu. Le gaz, les portes, les fenêtres… Et ses lingettes désinfectantes qui ne le quitte jamais : "Je me sens mal, l’angoisse m’envahit, j’ai un point de côté et je répète les mêmes gestes machinalement, sans pouvoir m’en empêcher."

VIRGILE QUE TOUT INCOMMODE…

Et puis, il y a Virgile… Virgile supporte très difficilement d’être touché par qui que ce soit, y compris sa propre famille : "J’ai vraiment du mal avec les gens qui me touchent […] J’ai horreur qu’on me touche. Même la famille […] Ma mère m’a même embrassé dans le cou. J’ai horreur qu’on m’embrasse dans le cou." Difficile pour cet homme de faire sa vie, dans ces conditions.

Virgile est professeur et son métier n’a plus vraiment d’attrait pour lui. Les élèves n’ont pas la passion qu’il avait espéré lorsqu’il avait commencé à enseigner, alors à présent il avoue : "De toute façon, je ne fais plus rien pour les intéresser." Il a trouvé une invention qu’il a fait breveter, et il doit exposer sur un salon. Mais qu’a-t-il donc inventé ? Bonne question ! En tout cas, l’angoisse monte au créneau de sa gorge car c’est bientôt le grand jour de l’exposition.

Mais, Virgile n’a pas que cette invention comme secret bien gardé. Il a un plaisir pour le moins spécial et même inavouable, qu’il trouve auprès d’une prostituée. Car, à son sens "déraisonné", elle seule peut lui apporter ce plaisir. C’est à n’en pas douter…quoi que : "Il avait tant cherchée, cette femme prête à…"

UN LIEN…INVISIBLE

En parallèle, Antoine n’en démord pas, hypocondriaque jusqu’au fond du ventre, il se décide à se rendre chez le médecin. Il est persuadé que le mal grandit quelque part en lui, sans savoir ni quoi, ni même où, car "l’envahissante hypocondrie ne pouvait pas expliquer tous les symptômes, les hallucinations, le sang vomi, les mains blanchâtres et les maux de tête, cette espèce de photophobie qui n’arrêtait pas de progresser…" Donc, une petite visite chez le médecin était plus que pressante pour se faire "soigner" vite fait bien fait, et se rassurer surtout.

Il est des êtres comme Antoine qui, au moindre écart, au moindre contact, au moindre excès, à la moindre petite douleur inhabituelle et inattendue sont persuadés de porter un mal qu’ils n’ont pas, arrivant même à en avoir de véritables symptômes. Leur psychisme fonctionnant à merveille pour faire s’imaginer atteint d’une maladie quelconque, voire même plusieurs. Et où rien ne les apaise.

Gabriel "l’alcoolique", Virgile le professeur et Antoine l’hypocondriaque ont bel et bien un point commun, mais quel est-il ? Soudainement, chacun des trois hommes va se sentir dans un état de bien être. Etrangement bien ! Gabriel n’abusera plus d’alcool, Antoine n’aura plus peur des bactéries, l’hypocondrie l’ayant abandonné et Virgile se sentira en forme comme jamais. La vie ne leur pèsera plus, se sentant subitement beaux, forts, sereins. L’un d’entre eux avouera : "Je n’ai mal nulle part, c’est étrange cet sensation de calme, de sérénité."

Tout reste à découvrir dans ce roman où l’auteur a su nous faire don de sa plume avec un sacré bon suspense pour nous tenir en haleine. Une fois encore Claire Tournu nous livre une histoire tout aussi belle et bien menée que celle de "Diables d’anges".

Pour tous mais principalement pour les adeptes de suspense
Un prix couramment rencontré et l’ouvrage général est de qualité

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Et dans mes veines coulait le sang de mon père
Auteur : Claire Tournu-Woimbée
Editions : Yvelinedition
ISBN 13 : 9782846682329
Prix : 18,00 euros

jeudi 25 février 2010

Ce crétin de prince charmant

"Il ya quelques années, une amie m’a offert un coussin sur lequel est écrit "Pour trouver le Prince Charmant, il faut embrasser beaucoup de grenouille". J’ai embrassé des tas de grenouilles en me disant que peut-être, avec beaucoup d’amour, l’une d’elle pourrait se métamorphoser. Mais laisse-moi te dire une chose : la merde ne change pas, elle sent juste un peu plus fort à chaque fois. Et je suis tellement frustrée par cette connerie de coussin que maintenant, en faisant mon lit, je le retourne pour ne plus le voir."
Extrait du livre

ARIANE, JUSTINE ET LES AUTRES…

Ariane et Justine se rencontrent lors d’une soirée. L’une est parisienne (Ariane), l’autre est New Yorkaise (Justine). Ariane est mariée mais son mari est absent la moitié de la semaine pour raisons professionnelles alors que Justine est célibataire et cherche le fameux prince charmant dont on nous rabâche "l’existence" depuis notre tendre enfance. Elle multiplie les rencontres pas toujours de bon augure.

A partir de cet instant les débats font fureur entre nos deux trentenaires. Les hommes en l’occurrence sont leur sujet favori. Qu’ils ne s’en vexent pas mais leur mirettes ne sont épargnées le moins du monde : "Quand un mec est mignon, sympa, intelligent et hétéro, il a tellement le choix qu’il pense qu’il peut avoir mieux. Alors il te largue…" N’y a-t-il pas ici une pointe de vérité ? Bien entendu, ils ne sont pas tous comme cela mais…

Une profonde amitié prend naissance entre les deux jeunes femmes. Une amitié sans frontière, sans distance car "c’est vrai que certaines amitiés démarrent un peu comme une histoire d’amour : on se plait, on se découvre, on veut aller plus loin et, on est enivrés par ces sentiments tout neufs."

Elles échangent des mails où elles se racontent leur vie respective, leurs sorties, leurs déboires mais aussi leurs nouvelles rencontrent, leurs rires, leurs joies… Tout y passe avec humour mais surtout les hommes. Entre deux Saké dont elle est adepte, pour Justine le constat est clair : "Si la vie fait que tu ne dois pas te marier avant d’avoir trente ans (ou trente-cinq ou plus), tu as intérêt à être forte et sacrément indépendante."

DES MAILS QUI EN DISENT LONG…

Au fil de leurs mails, nos deux amies ont inventé une "Chambre des Tortures" virtuelle dans laquelle elles y jettent toutes les personnes qu’elles n’apprécient pas et qu’elles dénigrent allègrement, y compris leur mère respective : "Si j’osais, j’enverrais aussi ta mère et la mienne dans la Chambre des Tortures. Bon, allez, j’ose. J’en ai marre d’être bien élevée."

Chacune traverse son quotidien qui parfois se trouve être assez remuant. Après un repas en famille, Ariane se retrouve isolée, face à sa grand-mère inquiète de sa petite mine : "Oh ! Je me pose des questions… Tu sais, parfois j’aimerais avoir ton âge. Que l’essentiel soit derrière moi ! Et avoir les réponses." Mais la grand-mère n’est pas dupe et sa réponse permet un rapide changement de position : "C’est vrai qu’à mon âge on connaît certaines réponses ; mais ça ne sert à rien car plus personne ne songe à nous poser les questions…"

Les soirées en présence de sa cousine sont autant de petite flèches dans le cœur d’Ariane qu’elle va aussitôt partager avec son amie Justine. Cette dernière donne son analyse personnelle sur la cousine sans l’épargner une seconde trouvant en elle une femme si jalouse qu’elle ferait tout pour évincer Ariane : "C’est une personne toxique et, tu dois t’en éloigner. Et ne pas tomber dans ses petits jeux de manipulation."

L’UNION FAIT LA FORCE, N’EST-CE PAS !

Justine ne fait cas d’aucune tolérance et la cousine qui en plein "son grade" doit en avoir les oreilles sifflantes, il faut bien le reconnaître. D’ailleurs, Ariane apprécie grandement la franchise de son amie mais aussi et surtout sa spontanéité au verbe parfois acerbe. Elle ne manque pas de s’en excuser. Ce à quoi Ariane répond de manière tout aussi directe : "Je suis heureuse de voir que tu es aussi aliénée que moi (c’est un compliment). J’aime aussi te savoir capable de jurer comme un charretier, alors n’hésite pas à t’exprimer librement. […] Mes oreilles ne sont pas conservatrices mais totalement dévergondées."

Tout est décortiqué, en long, en large et en travers par nos deux trentenaires qui voient dans leur amitié une profonde fusion. Rien n’est ni laissé au hasard, ni épargné, même si les hommes tiennent la première place dans ce "petit jeu massacreur". La moindre déception donne naissance à des représailles verbales dont on n’aimerait pas être la cible. Etre spectateur est bien plus intriguant, agréable et même drôle.

Et lorsqu’Ariane est en colère après son mari, en toute légitimité il faut bien le reconnaître, et que ce dernier cherche à lui prendre la main, le résultat en demeure assez risible : "En rentrant dans la voiture, il m’a pris la main. Je lui ai donné un doigt (mon majeur), en lui disant : c’est tout ce que tu mérites."
Imaginons la scène !

Un livre sympathique où l’ennui n’a pas sa place. Dès les premières pages, on souhaite connaitre la suite et l’humour n’est pas en reste. Un roman à ne pas prendre au premier degré bien sûr !
Un livre pour tous, mais les femmes seront certainement plus tentées que les hommes.
Des sourires, des rires… A lire pour se détendre.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Ce crétin de prince charmant
Auteur : Agathe Hochberg
Editions : Mango
ISBN 13 : 9782847520064
Prix : 16­,00 euros



lundi 22 février 2010

Un trou dans la tête

"Un sentiment complexe de rancune et de dégoût s’empara de Quenouil. Il fit deux pas vers sa femme. La tête de Victorine lui paraissait si lointaine !... Les mouvements du torchon semblaient encore l’éloigner de lui. Il avait beau se dire qu’il n’avait qu’à étendre le bras pour la toucher. Une angoisse irraisonnée l’empêchait de bouger. Il regarda ses mains ; ses mains tremblaient. Ah ! Qu’il serait bon de broyer ce crâne, de le broyer avec un marteau, comme on avait broyé celui de son oncle !... Il frapperait là, près de la temps..."
Extrait du livre

DROLE DE DESTIN !

Un destin où les évènements tragique emportent sur la mauvaise pente, c’est bien ici le cas de Baptiste Quenouil.

Baptiste Quenouil avait été recueilli par sa tante au décès de ses parents alors qu’il n’avait que cinq ans. D’abord son père retrouvé "gelé dans une rigole où il s’était affalé ivre mort. Le lendemain, sa mère s’était pendue à une solive." Baptiste a alors grandit dans le cabaret que tenait sa tante. Une ambiance plutôt étrange pour un enfant.

Quelque temps après, son oncle avait été retrouvé mort, "étendu près du comptoir, le crâne défoncé à coups de marteau." Une suite de drames qui marquera Baptiste pour très longtemps.

De sa rencontre avec Victorine, il en résultera un rapide mariage. Victorine, "orpheline qu’exploitaient sans vergogne les Cossard, riches épiciers", accepta sans omettre de faire jurer Baptiste de cesser de boire. Car il aimait cela, la boisson, ce n’était un secret pour personne. Mais, il aimait surtout l’ivresse qu’elle lui procurait.

Cette parole, Baptiste ne saura jamais la tenir et la pauvre Victorine en subira toutes les conséquences. Comme beaucoup de personnes qui aiment l’ivresse à outrance, Baptiste en usera et en abusera dès que l’occasion se présentera à lui. Et dans ce cas, il y a toujours de "bons accompagnateurs" pour lui faire oublier sa promesse et dès le premier verre que ceux-ci lui présentent, il n’y a plus de parole qui tienne. Il est difficile de tenir une telle promesse lorsque l’on est sous l’emprise d’une si forte dépendance et l’amour ne suffit pas toujours à garder la ligne droite.

LA SOUFFRANCE DE L’UN FAIT LA SOUFFRANCE DE L’AUTRE…


Ainsi la vie suit son rythme au gré des extravagances de Baptiste. Quant à Victorine, elle se démène au travail tandis que son mari est incapable d’en conserver un dans le temps. N’a-t-il pas l’air de perdre la raison par instant ? Oui, bien sûr !

Lorsque la vie malmène un être dès son plus jeune âge, il lui est difficile de rester serein. C’est bien ici le cas de Baptiste qui commet de lourdes erreurs, des malveillances, des méprises démentes et qui évolue continuellement entre raison et déraison. Plus souvent vers cette dernière d’ailleurs : "Il continuait à parler. Il dialoguait parfois avec lui-même. […] Il était évident que les fées jaunes existaient. Et Dieu sait quelles surprises elles étaient en train de lui préparer ! "

Victorine qui jusque là était employée à tenir la maison des Lepage : "Elle s’acharnait à travailler, espérant lasser son désespoir", perdit son travail car c’était son patron qui avait trouvé le travail de Baptiste par ses connaissances. Et comme, une fois de plus, il avait perdu la raison et agressé verbalement celui qui l’employait, il avait été sommé de partir sur le champ.

Dès lors, la misère reprenait ses droits et la faim également : "L’estomac est une bête qui se plaint sans arrêt quand elle n’est pas repue. " Les accès de démence de Baptiste vont le conduire à présent à la violence, y compris contre sa femme. La paranoïa gagnant du chemin, Baptiste se laisse emporter. La folie le guide petit à petit, transportant Baptiste dans un monde totalement irréel.
Mais, jusqu’où cela va-t-il le mener ? Jusqu’à l’irréparable ?

Un petit roman bien entrainant.
Avant propos de Jeannine Burny, présidente de la fondation Maurice Carême.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Un trou dans la tête
Auteur : Maurice Carême
Editions : Bernard Gilson Editeur
ISBN 13 : 9782872690879
Prix : 12,00 €